Belgique : situation des centres de rétention en Belgique

Une tribune interassociative et en dessous une tribune du collectif Getting the Voice Out

https://plus.lesoir.be/291370/article/2020-04-01/coronavirus-permettre-tous-de-se-confiner-est-la-seule-maniere-den-sortir

«Coronavirus: permettre à tous de se confiner est la seule manière d’en sortir»

Des citoyens « oubliés » échappent au confinement à défaut d’avoir un abri et des moyens de subsistance. Les autorités doivent mettre en place des solutions structurelles pour protéger l’ensemble de la population et enrayer l’épidémie.

Par Un collectif d’associations signataires*

Le 1/04/2020 à 06:00
La deuxième semaine de confinement se termine. Les yeux rivés sur le frémissement des chiffres, tous se demandent si les mesures récemment mises en place auront un impact suffisant. Mais c’est sans compter que certains citoyens ont été « oubliés » par les autorités : sans logement ni moyens de subsistance, ils ne peuvent pas se conformer à cette règle du « restez chez vous ». Or si des pans entiers de la population sont laissés sur le côté, il s’agira d’autant de personnes exposées à un risque de contamination, et sources elles-mêmes de contagion.

Les oubliés sont nombreux. Parmi la population précarisée, s’agit notamment des personnes étrangères sans titre de séjour n’ont pas de couverture médicale. Certaines d’entre elles sont coincées en centres fermés dans des conditions de proximité qui vont à l’encontre des règles sanitaires. D’autres ont récemment été libérées sans précaution quant à ce qu’il adviendrait d’elles. Il s’agit aussi de personnes venues demander l’asile, et qui, depuis près de deux semaines se retrouvent devant la porte close de l’Office des étrangers. Une grande partie de ces personnes s’ajoute à celles qui vivaient déjà sans-abri, et des solutions peinent à se dessiner.

Des mesures structurelles sont nécessaires

Pour l’heure, les appels à l’aide pour des aliments, des savons, des produits de nettoyage se multiplient. En réponse, de nombreux élans de solidarité se font entendre. S’ils sont louables, ils ne seront pas suffisants sans que des mesures soient prises par les autorités pour mettre à l’abri l’ensemble des citoyens. Les personnes étrangères sans titre de séjour, dites « sans-papiers » représentent près d’un pourcent de la population. En temps normal, ces quelque 100.000 à 150.000 personnes vivent déjà dans une précarité criante, sans accès à un emploi déclaré et sans aide sociale, avec pour seul filet de sécurité l’aide médicale urgente, délivrée selon une procédure très stricte. Or dans ce contexte de crise, leur dénuement se fait encore plus insupportable, comme le rappelle la Coordination des sans-papiers de Belgique. La situation est d’une incohérence inouïe ; les pratiques administratives habituelles continuent de s’appliquer, comme si de rien n’était. Un exemple parlant : des personnes libérées de centres fermés reçoivent des ordres quitter le territoire dans un délai de 30 jours après avoir été libérées de centre fermé alors que le trafic aérien est au ralenti et que les frontières se referment les unes après les autres.

Lire aussi «Coronavirus: n’oublions pas les millions de réfugiés» <https://plus.lesoir.be/289936/article/2020-03-25/coronavirus-noublions-pas-les-millions-de-refugies?referer=%2Farchives%2Frecherche%3Fdatefilter%3Dlastyear%26sort%3Ddate%2Bdesc%26start%3D10%26word%3Drefugies&gt;
Les solutions existent

En regardant les pays européens les plus durement touchés par la crise sanitaire, il est clair que des solutions créatives peuvent être mises en place rapidement. La ville italienne de Bologne a montré l’exemple. Elle a dédoublé ses capacités d’hébergement pour les personnes sans abri en mobilisant tous les lieux possibles, notamment les écoles fermées. La France a décidé de renouveler pour trois mois tous les titres de séjour qui arrivaient prochainement à expiration. Cela empêche tout contact inutile entre les citoyens et l’administration et évite que certains ne tombent dans une situation d’irrégularité de séjour et que ne s’enclenche une spirale infernale : plus de titre de séjour, plus de travail, plus de revenu, plus de logement, plus de mutuelle. Le Portugal a quant à lui décidé de régulariser temporairement les étrangers qui avaient introduit une demande de séjour et qui sont toujours en attente d’une réponse des autorités.

Les solutions

Pour sortir de la crise sanitaire qui paralyse le pays, il faut :

– Que les personnes sans papiers aient une autorisation de séjour qui leur permet au minimum de rester en Belgique le temps de la crise sanitaire

– Que ces personnes reçoivent de quoi subvenir à leurs besoins, se confiner et respecter les recommandations sanitaires de base

– Que les étrangers encore détenus dans les centres fermés soient libérés, qu’ils aient une autorisation de séjour et qu’ils soient hébergés dans des structures d’urgence

– Que les personnes qui cherchent une protection puissent déposer leur demande d’asile et soient hébergées

– Que tous les titres de séjour qui arrivent à expiration soient prolongés automatiquement de 3 mois.

Nous avons conscience que de telles mesures demandent de la créativité et de l’audace. Il est temps que des solutions claires soient mises en place et que les citoyens présents sur notre territoire, avec ou sans abri, avec ou sans papiers, soient protégés. Il en va de l’intérêt général.

* * Signataires : Coordination des sans-papiers de Belgique, Sans Papiers TV, Comité des Femmes Sans Papiers, MRAX, Ligue des droits humains, SESO, Réseau ADES, Maison du Peuple d'Europe, Amitié sans frontières - Vriendschap Zonder Grenzen, SOS Migrants, Groupe Montois de Soutien aux Sans-Papiers, Convivial - Mouvement d’Insertion des Réfugiés, Le Monde des Possibles ASBL, CRACPE - Collectif de Résistance Aux Centres Pour Étrangers, Collectif La Bruyère commune hospitalière Jesuit Refugee Service Belgium, Médecins du Monde, Point d'appui, UPJB, FGTB-ABVV.

Actions multiples pour vider les centres : nouveaux témoignages des détenu·e·s
Publié le 30 March 2020 <https://www.gettingthevoiceout.org/actions-multiples-pour-vider-les-centres-nouveaux-temoignages-des-detenu·e·/&gt; par Martine <https://www.gettingthevoiceout.org/author/martine/&gt; - Read this post in English <https://www.gettingthevoiceout.org/multiple-actions-to-empty-the-centres-new-testimonies-by-retainees/&gt;, Nederlands <https://www.gettingthevoiceout.org/meerdere-acties-om-de-gesloten-centra-te-legen-nieuwe-getuigenissen-van-gedetineerden/&gt;
Actions multiples pour vider les centres : nouveaux témoignages des détenu·e·s | Getting the Voice Out <https://www.gettingthevoiceout.org/actions-multiples-pour-vider-les-centres-nouveaux-temoignages-des-detenu·e·/&gt;
30/03/2020·

À l’heure où en France certains centres de rétention sont vidés à cause du Coronavirus et alors que d’autres centres fermés brûlent en Italie, les centres fermés en Belgique sont toujours bien remplis. Remplis de détenu·e·s à qui aucune ou très peu d’informations ne sont communiquées. Nous recevons énormément d’appels de prisonnier·e·s extrêmement stressé·e·s par la situation.

Dans plusieurs centres, les détenu·e·s essaient de résister et font entendre leurs voix en organisant des réunions, des actions collectives, des manifestations, des rencontres avec les directions des centres, des grèves de la faim, et parfois des actions moins pacifistes. Leurs protestations sont souvent réprimées, notamment par des mises au cachot pour représailles.Article de Knack:https://www.knack.be/nieuws/belgie/asielzoekers-opgesloten-maar-niet-beschermd-tegen-corona/article-longread-1582095.html
La semaine dernière, quelques personnes enfermées dans l’aile L du centre 127bis, à bout de nerfs, ont “pété un cable” et exprimé leur colère en protestant. “It was real war” nous indiquait un témoin. Leur révolte a néanmoins été réprimée et plusieurs ont été mis au cachot.

Des libérations spontanées de 200 à 300 personnes ont eu lieu sur les 700 personnes enfermées au début du mois de mars, uniquement les personnes “malades et vulnérables” selon l’Office des Étrangers. Ces libérations se font néanmoins au compte-goutte et de façon aléatoire à l’appréciation de l’Office des Étrangers qui aurait peur de ne pas donner une “bonne image” en libérant tout le monde d’un coup.

Des mises en demeure et des recours devant les tribunaux en réponse au caractère illégal de la détention en période de Coronavirus permettent de libérer des détenu·e·s, mais les centres fermés détiennent toujours un certain nombre de personnes. Il est scandaleux que des détenu·e·s ne soient libéré·e·s que par l’intervention de tiers du fait du caractère illégal de ces détentions. Certains assistants sociaux tentent même de dissuader les détenu·e·s d’entreprendre des démarches, car “prendre un avocat empêchera leur libération”.

À l’intérieur des centres fermés, le stress causé par la situation est très élevé. La plupart des détenu·e·s n’obtiennent des informations que par la télévision. Les détenu·e·s vivent avec la peur que le virus pénètre dans le centre fermé à travers le personnel qui y travaille et continue de faire des allées et venues depuis l’extérieur.

“A la prison à côté a Turnhout, il y a eu un cas testé positif coronavirus, je suis inquiet, j’ai vu ça dans les informations. A la prison de Forest aussi. Tout le monde ici est inquiet parce que ici c’est sûr qu’il y a aussi des malades. C’est 60 personnes qui travaillent tous les jours ici dans le centre. La situation est vraiment dangereuse. On n’a pas d’informations, on ne nous dit rien . On libère certaines personnes parce qu’ils doivent réduire et puis d’autres restent ici, on ne sait pas pourquoi, alors qu’on n’a rien fait de mal.” nous partage un détenu de Merksplas.

Les détenu·e·s se rendent bien compte du décalage entre leur sort et ce qui se passe à l’extérieur. Les conditions d’hygiène sont très critiques et dangereuses. Les détenu·e·s continuent de vivre à plusieurs dans des chambres, dans les espaces communs comme les réfectoires, les sanitaires, etc. Très peu de mesures sont prises, il n’y a quasiment pas de masques, de gants, ni de gel désinfectant pour le staff ou les détenu·e·s.

Au centre fermé de Merksplas: “Nous sommes trois dans chaque chambre à utiliser les mêmes toilettes et la même douche et 20 personnes partent près les unes des autres dans ce bloc. Rien n’est fait pour nous protéger du virus, nous mangeons et jouons ensemble, nous touchons les mêmes portes et nous fumons dans la même pièce. Il y a beaucoup de gens qui travaillent dans ce bloc, qui entrent et sortent. Personne ne porte de masque ici et il n’y a pas de machine pour contrôler le virus.Nous avons vu à la télévision que deux prisonniers de la prison de Merksplas ont été touchés. Si tout le monde tombe malade, que vont-ils faire ? Ils doivent vider et fermer le centre pour que tout le monde puisse rester en bonne santé !”

Dans les centres fermés de Bruges et de Holsbeek, “les médicaments sont donnés de la main à la main, sans gants ni masque.”

Par ailleurs, une visite parlementaire a même été refusée au centre fermé de Vottem (Liège). Aucun contrôle extérieur n’est possible pour le moment. L'accès au centre fermé de #Vottem refusé à la députée Sarah Schlitz: "Une violation flagrante de l’Arrêté royal"
Dans les centres, certain·e·s sont enfermé·e·s depuis plusieurs mois. L’un d’entre eux attend depuis 8 mois son expulsion vers le Bangladesh. Certains sont sous l’application de la dite double peine. Il s’agit de situations dans lesquelles des personnes ont été condamnées à des peines pour troubles à l’ordre public, ont accompli leurs peines puis, à la sortie de prison, sont directement amenées en centre fermé pour être expulsées. Certains d’entre eux ont des parents, des femmes et des enfants ici en Belgique.Le retour de la double peine - La Revue Nouvelle
Nous demandons la libération immédiate de tou·te·s les détenu·e·s des centres fermés. Les maintenir derrière ces murs alors que la Belgique entière se confine est inadmissible. Nous demandons la fermeture définitive de tous les centres, des camps et des hotspots ainsi que la régularisation de toutes les personnes sans-papiers.

LIBERTÉ pour tous et toutes avec ou sans papiers.

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