Ça bouge au Mesnil

Au CRA du Mesnil, on ressent progressivement les effets du déconfinement et de l’assouplissement de la politique sanitaire nationale. Ça bouge au Mesnil, et de manière assez aléatoire et désorganisée.

La semaine du 18/05 a été marquée par des signes de vie du côté du tribunal administratif de Melun qui avait fermé ses portes et suspendu toutes les audiences depuis le début de confinement. Difficile de savoir ce qu’il s’y passe, à chaque interlocuteur sa version des événements. On nous annonce d’abord que la reprise des audiences dépendrait du bon vouloir de chaque magistrat saisi, puis ensuite qu’il s’agirait d’une reprise générale des audiences mais seulement en visio avant que la Présidente du tribunal n’évoque finalement une reprise des audiences à titre exceptionnel.

Une semaine après, on en sait un peu plus sur ce qui justifie " l’exception" au tribunal administratif de Melun puisque finalement, c’est un ressortissant brésilien qui verra son dossier examiné en premier le 19 mai et cela sur demande de la préfecture qui a réservé un vol le 21 mai ! Ce n’est pas une supposition puisque c’est le juge des libertés et de la détention de Meaux qui l’affirme sans sourciller, lorsqu’il prolonge la rétention de Monsieur le 18 mai.

La préfecture ordonne, le tribunal s’exécute, l’OQTF sera confirmée le 19 mai et le monsieur expulsé le 21 mai.

Les placements continuent et parmi les nouveaux entrants, la P91 et la P92 enferment deux personnes souffrant de diabète et donc particulièrement vulnérables au Covid 19. On assiste également à des deuxième voire troisième prolongations sur des motifs toujours aussi douteux. Pour l’un, enfermé depuis le 27 avril, le juge fonde la prolongation sur le fait que « les vols devraient reprendre à partir du 15 juin ». Pour l’autre, enfermé depuis le 28 mars, le juge estime que ce n’est pas la faute de l’administration si le vol initialement prévu a été annulé pour cause de fermeture des frontières.

Autre réjouissance, plusieurs retenus témoignent de violences de la part d’agents de police qui auraient frappé un retenu après l’avoir provoqué avant de la placer en cellule d’isolement. Le système est bien fait car au Mesnil-Amelot, les retenus n’ont aucun moyen de porter plainte, les différentes brigades susceptibles de prendre les plaintes s’étant rejetées la balle jusqu’à ce que le Procureur de la République acte qu’aucun service de police n’est désigné pour prendre les plaintes des retenus du Mesnil-Amelot.

Enfin, pour clôturer cette semaine, cinq ressortissants roumains ont été invités à embarquer le 27 mai à destination d’un vol pour la Roumanie. Petite spécificité du jour, ces derniers ont dû signer une attestation sur l’honneur a priori relative au COVID 19 avant d’embarquer. « A priori » car ils n’ont pas bénéficié de l’aide d’un interprète, nous ne savons donc pas ce qu’ils ont signé et eux non plus ! Ces attestations avaient été initialement confiées à l’unité médicale du CRA qui avait refusé de les faire signer.

Sur ce message, optimiste nous vous souhaitons une excellente fin de semaine.

L’équipe d’intervenants au Mesnil-Amelot

Bonjour à tou·tes,
Merci beaucoup pour ces infos, aussi intéressantes que consternantes …
Deux petites questions :

  • « … jusqu’à ce que le Procureur de la République acte qu’aucun service de police n’est désigné pour prendre les plaintes des retenus du Mesnil-Amelot. » : pouvez-vous préciser sous quelle forme et dans quels termes le proc’ a « acté » qu’aucun service de police n’a été désigné ? (à ma connaissance tout policier est habilité à recueillir une plainte, sans avoir à être préalablement désigné à cet effet …) ;

  • serait-il possible d’avoir une copie du jugement du TA de Melun ?
    Merci d’avance !
    Patrick (Gisti)

Article 15-3 du code de procédure pénale

Les officiers et agents de police judiciaire sont tenus de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions à la loi pénale, y compris lorsque ces plaintes sont déposées dans un service ou une unité de police judiciaire territorialement incompétents. Dans ce cas, la plainte est, s’il y a lieu, transmise au service ou à l’unité territorialement compétents.

Tout dépôt de plainte fait l’objet d’un procès-verbal et donne lieu à la délivrance immédiate d’un récépissé à la victime, qui mentionne les délais de prescription de l’action publique définis aux articles 7 à 9 ainsi que la possibilité d’interrompre le délai de prescription par le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile, en application de l’article 85. Si elle en fait la demande, une copie du procès-verbal lui est immédiatement remise. Les officiers ou agents de police judiciaire peuvent s’identifier dans ce procès-verbal par leur numéro d’immatriculation administrative.