Un communiqué du Mesnil-Amelot et deux articles.
https://abaslescra.noblogs.org/post/2019/01/18/communique-du-cra3-de-mesnil-amelot/
Communiqué du CRA3 de Mesnil Amelot- 2019/01/18 12:33
Aujourd’hui 18 janvier, un groupe de retenus du centre de rétention de Mesnil Amelot (au CRA3) ont décidé d’écrire un communiqué dénonçant la situation qu’ils vivent. On le relaye ici.
On est des retenus du CRA 3 de Mesnil Amelot. Et on veut dénoncer ce qu’il se passe.
On t’attache comme un animal ici quand on te renvoi.
Par rapport au centre y a trop de problème : les toilettes, la nourriture, les douches…
Mais le plus important c’est les vols cachés.On demande de pouvoir vraiment deposer l’asile quand on le souhaite.
Rien ne va ici.
Tous les cas sont différents mais pour tous c’est le problème : la préfecture.
Les policiers nous maltraitent ici. Y’a pas de vrais médecins quand t’es vraiment malade, c’est des dolipranne qu’on te donne. Quand t’es malade, on peut t’arrêter quand tu vas à l’hôpital, et après tu es entre leurs mains. Et ici on te donne un dolipranne.
On se fait attraper partout : en allant à l’hôpital, en partant de chez soi, dans les transports.
On demande que le respect et la liberté !
On demande aussi au préfet de dire à ses policiers de bien se tenir.
Les vols cachés ici, c’est un vrai problème : on t’attache, parfois on te casque.
La vie qu’on vit ici n’est pas possible.
On demande la fin de la procédure Dublin, des procédures accélérées, la fin des assignations à résidences.
La nourriture est limite perimée quand on te la file. La bouffe date de 5 jours et il la réchauffe au micro onde. Y’en a plein ici qui n’arrivent même pas à manger.
Faut arrêter de nous parler du pays des droits de l’homme, c’est la France qui a colonisé chez nous. Les français qui vivent chez nous, ne finissent pas en centres de rétention.C’est au niveau de l’État, du juge et des procs qu’on veut nous renvoyer. Ils s’en foutent de nous. Ils nous ramènent direct ici et on oublie ton histoire.
Les avocats commis d’office ne font pas leur boulot. Les juges te disent juste “prolongé”!
Le juge est toujours du côté du préfet.On demande:
– Un VRAI accès aux soins
– La fin de la procédure dublin et des procédures accélérées
– La fin des vols cachés
– De la bonne nourriture
– La fin des assignations à résidence – La liberté pour tousOn appelle tous les retenus en CRA a lutter comme c’est possible et a un maximum de solidarité a l’extérieur !
Des retenus du CRA 3
Mouvement de grève de la faim dans quatre centres de rétention administrativePar Kim Hullot-Guiot — 18 janvier 2019 à 16:20
La cour du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, près de Roissy. Photo Joël Saget. AFP
Depuis deux semaines, plusieurs dizaines de personnes placées en rétention refusent de manger pour dénoncer les conditions de vie dans les centres du Mesnil-Amelot, de Vincennes, d’Oissel et de Sète, et les expulsions dans des conditions qu’elles jugent abusives, voire illégales.
«Les bâtiments sont mal nettoyés, ça pue, les toilettes sont bouchées tout le temps. Si tu réclames de la nourriture, tu es envoyé à l’isolement. On n’en fait rien de nos journées, il n’y a aucune activité. Ils nous disent tout le temps : « Si vous n’êtes pas contents, vous n’aviez qu’à rester chez vous. » Ils nous traitent comme des animaux !». Abdallah (1), qui nous téléphone depuis le centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), est très remonté. Amer, il liste ses griefs avec virulence. Depuis début janvier, ce trentenaire participe à une grève de la faim pour dénoncer ses conditions de vie dans le CRA où il est retenu en attendant d’être expulsé ou remis en liberté.
Nadia Sebtaoui, responsable de la mission rétention pour France Terre d’asile, qui intervient dans plusieurs CRA, précise : «L’ambiance est un peu difficile depuis quelques semaines. Ils ont du mal à supporter les conditions d’incarcération. La grève, c’est une grève des repas servis, ils mangent quand même ce qui leur est apporté par leurs proches.»
Des dizaines de personnes dans le CRA de Vincennes (Val-de-Marne) avaient entamé le mouvement début janvier, bientôt rejointes par des retenus d’Oissel (Seine-Maritime) **et Sète (Hérault).**Une concomitance qui lui donne un caractère assez inédit bien que rien n’indique qu’il y ait une véritable coordination entre les centres, selon plusieurs interlocuteurs associatifs. «Pendant longtemps, c’était des combats individuels. Ce sont des lieux où il est très difficile d’organiser des moyens de résister. Mais ces grèves de la faim vont participer à la prise de conscience», espère Sarah, qui rend régulièrement visite à des personnes dans des CRA d’Ile-de-France.
«On constate, chez des personnes enfermées, une perte de poids significative»
Habituellement, raconte Abdallah, les policiers «nous réveillent à 7 heures pour nous donner du café, du sucre et deux petits pains. A midi, la nourriture est périmée, ils ne la donnent même pas à leur chien. [Il y a une semaine], on faisait la grève de la faim, les policiers sont entrés dans les chambres et ont mis le pain qu’on avait mis de côté à la poubelle. C’est des bâtards !» Julien, un bénévole qui rend visite aux personnes en centres de rétention, nuance : «Je ne peux pas dire que la nourriture est périmée, mais comme ce sont souvent des plats de porc et des plats non halal qui sont servis, et que beaucoup [de retenus] sont musulmans, la bouffe est insuffisante car ils ne mangent qu’un repas sur deux.» Nicolas Pernet, coordinateur de l’équipe de la Cimade au CRA du Mesnil-Amelot, confirme à son tour : «On constate que, très clairement, chez des personnes enfermées plusieurs semaines, il y a une perte de poids significative.»
Outre la qualité de la nourriture, l’oisiveté subie du fait de l’absence d’activité, l’état déplorable de nombreux sanitaires, déjà pointé par la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté dans son rapport d’activité 2017 (2), les retenus et leurs soutiens dénoncent des insultes, des brimades, des humiliations et des violences physiques. En 2017, 27 plaintes avaient été déposées pour des violences policières rien que sur le centre du Mesnil-Amelot, selon Streetpress, qui rapportait encore début janvier la plainte d’un Soudanais retenu lui au centre d’Oissel et qui affirme y avoir subi «une véritable séance de torture».
«Certains ont été placés à l’isolement juste après avoir commencé la grève…»
«A Vincennes, les violences se passent à la fouille, où il n’y a pas de caméra. C’est verbal et physique», dénonce Julien, rapportant des récits de personnes retenues. La mise à l’isolement serait également utilisée de manière répressive plutôt que préventive selon lui : «Soi-disant, c’est fait pour prévenir les tentatives de suicide, mais certains ont été placés à l’isolement juste après avoir commencé la grève…» Au centre d’Oissel, où selon Nadia Sebtaoui, «la mise à l’isolement est assez récurrente», les personnes retenues, lassées de ce qu’elles considéraient comme des pratiques abusives, ont elles-mêmes saisi fin 2017 la Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, qui doit bientôt rendre un rapport sur la visite qu’elle y a effectuée.
Un autre motif de révolte pour les personnes retenues en CRA est ce qu’elles et leurs soutiens associatifs appellent les «vols cachés», vécus comme très injustes : *«Parfois, une personne arrivée au bout de ses 45 jours de rétention pense qu’elle va sortir dans quelques heures. Mais en fait elle est expulsée le matin, très tôt, sans avoir été prévenue. Les flics viennent en nombre à 4 heures du matin, en mode « prends tes affaires »»,*rapporte Julien. Habituellement, les personnes sont prévenues de leur expulsion à l’avance afin de pouvoir prendre leurs dispositions (prévenir leurs proches ici et dans le pays d’origine, par exemple), pas juste avant de l’être, explique-t-il encore.
«Pour aller à l’infirmerie, tu fais la queue dehors en plein hiver»
Autre problème pointé de façon récurrente par ce mouvement : le difficile accès aux soins pour les retenus. Selon Abdallah, «pour aller à l’infirmerie, tu fais la queue dehors en plein hiver, ils te donnent juste du Doliprane». Marc, qui rend visite aux retenus dans différents CRA d’Ile-de-France, ne dit pas autre chose : «L’infirmerie n’étant ouverte qu’une fois par jour, certaines personnes ont mal accès à leur traitement, notamment concernant les hépatites ou les traitements psychiatriques. Les infrastructures ne sont pas du tout faites pour gérer les situations de personnes en crise psychologique. Elles sont isolées ou battues lorsqu’elles font des crises.»
De son côté, la Cimade, selon qui les phénomènes d’automutilation ou de tentatives de suicide ne sont pas rares, rapportait récemment le cas d’un Algérien en proie à des difficultés psychiatriques qui avait été particulièrement mal pris en charge dans son CRA des Hauts-de-Seine avant d’être expulsé vers Alger. Et, en septembre, un trentenaire retenu au centre de Cornebarrieu, près de Toulouse, s’y était lui suicidé.
«On sent les retenus très remontés, très costauds sur leurs revendications, qui ne sont pas nouvelles. Les constats qu’ils font, on les partage, explique Nicolas Pernet. *On dénonce globalement la violence institutionnelle de tout ce système de rétention. Il y a des pratiques brutales voire illégales de l’administration».*Le responsable associatif évoque ainsi des cas de personnes ayant déposé une demande d’asile – pendant l’instruction de laquelle elles ne doivent normalement pas être expulsées – qui sont éloignées du territoire.
«Quand on place énormément de personnes, il peut y avoir des erreurs»
Nadia Sebtaoui, de France Terre d’asile, tempère : «Je ne dirais pas que c’est régulier, mais cela peut arriver ponctuellement que des personnes expulsées aient déposé des recours. L’administration n’interprète pas comme nous la notion de suspension du recours et met effectivement des gens dans des avions. Quand on place énormément de personnes, il peut aussi y avoir des erreurs de l’administration.» Un phénomène qui pourrait augmenter puisque, depuis la promulgation, en septembre 2018, de la loi asile et immigration, les recours ne sont plus suspensifs. Des personnes pourront donc se voir accorder l’asile après avoir été éloignées de force du territoire.
Du côté de la Cimade, on évoque aussi des cas de personnes mineures expulsées, ce qui est parfaitement illégal et contraire aux conventions internationales sur la protection de l’enfance.«Lundi dernier, on a eu un mineur d’Afrique du Nord, pour lequel on avait obtenu tardivement la preuve qu’il était mineur. Il avait caché dans un premier temps son identité pour que son éducatrice ne sache pas qu’il avait été arrêté. Nous avons saisi les autorités, on nous a répondu que c’était trop tard. Ce jeune est maintenant à Alger, détaille Nicolas Pernet. On a aussi eu le cas d’un jeune Asiatique, mineur, mais qui possédait un passeport de majeur qui n’était évidemment pas le sien, et qui a vu sa minorité remise en cause alors qu’il était en zone d’attente. Les autorités ne remettent pas en cause l’authenticité de la situation mais sont sur une ligne hyper dure, hyper répressive. Ce n’est pas nouveau mais c’est plus assumé. Et avec le passage de la loi [asile et immigration], cela va être exacerbé, notamment parce que les personnes peuvent maintenant être retenues 90 et non 45 jours».
Contacté, le ministère de l’Intérieur n’avait pas répondu à nos sollicitations à l’heure où nous publions cet article. La Direction centrale de la police aux frontières était, elle, injoignable.
(1) Tous les prénoms ont été modifiés pour protéger l’anonymat des intéressés, à l’exception des personnes présentées sous leur nom complet.
(2) *«La situation des CRA est variable d’un lieu à l’autre : elle est étroitement dépendante de l’état de l’immobilier, mais les centres de rétention en état indigne sont malheureusement les plus nombreux. Un seul des six centres visités depuis le début de l’année ne mérite pas ce qualificatif. Les points faibles de la prise en charge sont fréquemment les mêmes : une hygiène déplorable ; des locaux trop exigus, même lorsqu’ils sont installés dans des enceintes de police très vastes ; une sécurisation de type carcéral ; l’absence de respect de l’intimité (respect des espaces réservés aux femmes par les policiers, isolement des toilettes) ; l’absence d’accès à l’air libre ou un accès soumis à la disponibilité des équipes de police ; une prise en charge médicale aléatoire pour le somatique et inexistante pour le psychiatrique ; des pratiques exagérément restrictives en matière de communications ; l’absence quasi totale d’activités.»*Rapport «les Lieux de privation de liberté en 2017», page 27.
https://www.streetpress.com/sujet/1547831136-greve-de-la-faim-centre-de-retention
Grève de la faim en centre de rétention après un article de StreetPress## Ils dénoncent les violences policières qu’aurait subi un retenu
Les portes du pénitencier | News | par Tomas Statius , Yann Castanier | 18 Janvier 2019
Le 10 janvier StreetPress publiait le témoignage et la plainte d’un sans-papiers se déclarant victime de graves violences policières. De nombreux retenus du centre de Oissel, indignés par son histoire, ont entamé une grève de la faim.
La plainte d’Ali a fait du bruit. Le 10 janvier, nous publions le témoignage de ce sans-papiers soudanais qui accuse la police de lui avoir fait subir une *« véritable séance de torture »*lors de sa tentative d’expulsion. Le jeune homme décrivait par le menu ces longues heures au cours desquelles les policiers l’auraient frappé. D’abord au centre de rétention administrative (CRA) de Oissel (76), puis à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle où il attendait l’avion chargé de le renvoyer à Khartoum :
« Je suis choqué du comportement particulièrement violent de la police aux frontières à l’aéroport. »
L’affaire du jeune homme avance. « Des investigations sont en cours », indique le procureur de Rouen, contacté par 76 Actu, dans un article publié jeudi 17 janvier. Ces dernières porteraient uniquement sur les violences qu’auraient commises les policiers du centre de rétention de Oissel. Son cas a ému d’autres retenus qui ont décidé de se lancer dans une « grève de la faim éphémère », le lendemain de la publication de l’article, rapportent nos confrères de 76 actu.
Grève de la faim dans plusieurs centres de rétention français
La plainte d’Ali vient mettre de l’eau sur le feu dans un contexte déjà tendu dans plusieurs centres de rétention administrative français. À Vincennes, au Mesnil-Amelot, à Sète ou à Oissel… plusieurs centaines de retenus ont entamé des grèves de la faim, au cours des semaines précédentes, pour dénoncer leurs conditions de rétention. « Pendant deux jours, c’était massif », se souvient un intervenant de la Cimade au CRA du Mesnil-Amelot (78) :
« Sur les 100 personnes du bâtiment 2, quasiment 70 refusaient de manger. »
Salah, 25 ans, a participé au mouvement dans la plus grande prison pour sans-papiers de France, posée au pied des pistes de l’aéroport Charles-de-Gaulle. *« Pendant 4 jours, je n’ai pas mangé »,*raconte le jeune égyptien qui est sorti depuis quelques jours à peine :
« On a commencé à en parler entre nous. On voulait faire quelque chose. L’un des retenus avait un contact à Vincennes qui nous racontait ce qu’il se passait là-bas. »
« Le pic, ça a été du 3 au 8 janvier », poursuit l’ASSFAM, l’association qui intervient dans ce centre de rétention. Pour Salah, ces mouvements de grève spontanés sont un bon moyen de faire connaître la situation des personnes enfermées en CRA :
« Les gens, s’ils arrivent à faire ça, c’est parfait. Quand les policiers nous voyaient, ils sentaient qu’il se passait quelque chose. »
Les violences policières en ligne de mire
Manque de nourriture, de suivi médical, violences et brimades de la part des policiers… Les doléances des retenus sont nombreuses. Elles sont, en partie, relayées sur le site À bas les CRA, crée par des militants investis dans la défense des droits des sans-papiers. « Les centres de rétention ne sont pas des endroits adaptés au long séjour », ajoute-t-on du côté de l’ASSFAM. D’autant que la durée maximum d’enfermement est récemment passée de 45 à 90 jours :
« Il n’y a pas d’activité, les gens vivent en errance dans le centre en attendant leur avion. »
À Vincennes, comme au Mesnil-Amelot, nombre de retenus dénoncent également le comportement de la police. *« Ils se plaignent surtout des mises à l’isolement, notamment sur décision médicale. Récemment un cas les a beaucoup choqués »,*explique ce même intervenant de la Cimade. À Vincennes, plusieurs plaintes pour des faits de violences policières ont été récemment transmises au bureau du procureur de la République. « Les policiers font des choses illégales », explique de son côté Salah :
« Ils emmenaient des gens par la force. Ils leur scotchaient les bras, les jambes, leur mettaient un casque sur la tête pour les expulser. J’avais peur qu’il m’arrive la même chose. »
Des accusations qui ne datent pas d’hier. En avril 2018, StreetPress rapportait le témoignage de 27 anciens retenus du centre de rétention du Mesnil-Amelot. Tous avaient porté plainte pour des faits de violences policières.