Situation au CRA du Mesnil-Amelot dans le contexte Covid-19 // point d'info

Bonjour à tou.te.s,

Ce message – rédigé avec l’équipe d’intervenant.e.s juridiques de La Cimade au CRA du Mesnil-Amelot – pour vous faire partager les derniers éléments dont nous avons connaissance sur la situation au CRA – où La Cimade n’est physiquement plus présente depuis le début du confinement mais continue à assurer une permanence téléphonique quotidienne pour accompagner les personnes retenues.

A l’heure où se termine la huitième semaine de confinement, la situation demeure critique au centre de rétention. Depuis le 17 mars, 154 personnes ont été enfermées au Mesnil-Amelot. Les nouveaux placements sont quotidiens (parfois jusqu’à 8 placements par jour), si bien que 71 personnes se trouvent actuellement enfermées au CRA n°2 – où se concentrent l’ensemble des placements, l’activité du CRA n°3 ayant été suspendue depuis le 25 mars.

Ce nombre de personnes retenues n’est jamais descendu en-dessous de 60 depuis le 20 avril.

En raison du taux d’occupation du centre (et du fait que la plupart des retenus sont des hommes regroupés dans une zone qui ne peut accueillir « que » 80 personnes), la distanciation sociale ne peut absolument pas être respectée : les chambres sont partagées à plusieurs et les repas pris en commun. Les personnes enfermées ne disposent ni de gel ou de solution hydroalcoolique, ni de savon, ni de masques, et une partie des sanitaires est bouchée et inondée (cf. le reportage de France 2 diffusée mardi à la suite de la visite au CRA du député LFI Éric Coquerel vendredi passé).

Les déplacements internationaux demeurant extrêmement limités si ce n’est proscrits, les personnes enfermées savent que leur rétention est amenée à s’éterniser pour rien, en contradiction totale avec la loi. Une situation qui ne fait guère ciller le juge des libertés et de la détention (JLD), qui devrait pourtant en tout état de cause constater l’absence patente de perspectives d’éloignement et rejeter les demandes de prolongation adressées par les préfectures ; ce n’est en pratique que très rarement le cas. Les conditions d’enfermement, qui relèvent tout autant de la compétence de cette juridiction, ne suscitent pas plus de remises en liberté, en dépit des constats criants décrits ci-dessus.

L’atmosphère est donc extrêmement tendue ; deux départs de feu ont par exemple eu lieu pendant le week-end du 1er mai. Deux personnes ont été déférées suite à ces événements.

Même si une majorité des personnes enfermées actuellement au CRA le sont à l’issue d’une peine d’incarcération, de nombreux placements continuent de découler de contrôles d’identité sur la voie publique – contrôles parfois très violents (cf. notamment un exemple particulièrement marquant traité dans cet article de Mediapart).

Nombre des personnes placées sont en théorie protégées contre l’expulsion puisque arrivées en France avant l’âge de 13 ans, parents d’enfants français et/ou conjoints de ressortissants français.

D’autres encore souffrent de maladies graves, devraient bénéficier d’un droit au séjour pour soins et appartiennent à la catégorie des personnes « à risque », sommées de rester chez elles en ces temps de pandémie et de prendre des précautions sanitaires particulièrement strictes. Leur séjour en rétention les met donc particulièrement en danger.

Ainsi, cette semaine a vu l’arrivée au CRA d’une personne diabétique insulinodépendante et d’une personne atteinte du VIH, pour lesquelles aucune précaution particulière n’a été prise.

Le peu d’expulsions effectivement organisées le sont de manière chaotique. Entre autres situations confinant à l’absurde, une personne brésilienne, souhaitant absolument rentrer dans son pays, a dû faire des pieds et des mains auprès de son consulat afin que son retour au pays soit organisé et qu’un vol soit programmé (au bout d’un mois de privation de liberté)… mais la police l’a finalement transférée trop tard à Roissy, si bien que son embarquement a été refusé par le commandant de bord.

Une autre personne ayant, quant à elle, réalisé toutes les démarches en vue du renouvellement de son titre de séjour expiré en mars 2020 depuis la prison où elle était incarcérée, a dû s’opposer à son expulsion à l’aéroport pour que la préfecture accepte d’examiner son dossier et décide finalement d’abroger son OQTF.

Enfin, un couple de ressortissants roumains, parents de deux enfants temporairement placés à l’ASE et qui étaient sur le point de leur être rendus, a quant à lui in extremis réussi à refuser de monter dans le vol groupé organisé par l’administration à destination de Bucarest la semaine passée – renvoi à bord d’un même vol de 11 ressortissants roumains, dont des personnes qui avaient introduit des recours (suspensifs) devant la juridiction administrative. A ce jour, l’administration et le JLD refusent cependant de libérer ou d’assigner à résidence les deux parents afin qu’ils retrouvent leurs enfants, préférant poursuivre la procédure d’expulsion, au risque de laisser deux mineurs isolés sur le territoire français (cf. l’alerte expulsion que La Cimade a diffusée aujourd’hui pour faire connaître leur situation).

La coupe est pleine ; nous nous en tenons là pour aujourd’hui et nous referons le point prochainement.

Bonne fin de semaine,

Bien à vous,